Les agglomérations antiques de Saint-Paulien et du Puy-en-Velay

elise nectouxPar Elise Nectoux.
Doctorante en archéologie gallo‐romaine sous la direction de F. Trément, Université B. Pascal de Clermont‐Ferrand II : « Les capitales vellaves, topographie urbaine, territoires et paysages (fin de l’âge du Fer – début du Moyen‐âge) ».

Pour l’année 2007, la principale activité menée autour des agglomérations antiques de Saint‐Paulien et du Puy‐en‐Velay a pris la forme d’une prospection thématique. Ce type d’opération a permis de tester différentes méthodes d’acquisition de données telles que la prospection pédestre, la prospection aérienne, le relevé de coupes, les sondages et les carottages (paléoenvironnement).
La problématique de cette recherche porte sur les dynamiques spatiales et économiques des deux agglomérations pendant l’antiquité, et a pour but d’apporter un nouvel éclairage sur le transfert de chef‐lieu de cité de la fin de l’antiquité. En effet, le Velay a connu une évolution de l’organisation de son territoire pendant l’antiquité et au début de l’époque médiévale, qui reste mystérieuse. La capitale du Haut‐Empire, Ruessium (Saint‐Paulien), a été déclassée à la fin de l’antiquité au profit d’Anicium (Le Puy‐en‐Velay), sans que l’on connaisse aujourd’hui les raisons et la date de ce changement. Le colloque organisé en 2001 par A. Ferdière (2004) a clairement posé cette question et mis en évidence les disparités régionales concernant les raisons de ce basculement. Les rares textes concernant le Velay ne peuvent élucider la question. Comment s’est formé le chef‐lieu de cité du Haut‐ Empire (Ruessium, Saint‐Paulien), et dans quel contexte ? Quelle a été son évolution, en parallèle à l’ascension d’Anicium (Le Puy‐en‐Velay) ?
Les marqueurs de l’évolution socio‐économiques se retrouvent en ville, mais aussi dans la campagne (espaces suburbains en particulier). Qui s’installe autour des capitales, quelles activités s’y déroulent et quelles évolutions pouvons‐nous y déceler ?
Les deux dossiers parallèles que sont d’une part l’évolution de l’urbanisme de chaque ville et d’autre part l’évolution des campagnes proches, se rejoignent dans l’axe général de travail : Quelle est la date du changement de capitale, quels sont les raisons et les marqueurs de ce bouleversement dans la ville et la campagne proche ?

Résultats de l’année 2007

La prospection pédestre, qui s’est déroulée essentiellement dans la vallée du Riou (Le Puy‐en‐Velay) et sur la commune de Saint‐Paulien, s’est avérée peu efficace pour faire avancer les connaissances sur le chef‐lieu de cité. Peu de champs étaient labourés, ce qui a empêché la mise en place de carroyages, seule méthode de prospection livrant des éléments assez précis pour renseigner l’évolution urbaine. Les limites de la ville sont toujours assez floues, en raison du même problème technique. Concernant les campagnes, peu de nouveaux éléments sont apparus, si ce n’est à Marcilhac, où une occupation gallo‐romaine est désormais prouvée. Un travail complémentaire sur le site a été commencé, par M.‐C. Kurzaj (cf dans ce volume).

Saint‐Paulien - les Ribes

Figure 1 : Saint‐Paulien, les Ribes, mise en évidence de structures probablement antiques (trait plein)

 

La prospection aérienne a permis de mettre au jour plusieurs sites avec des plans partiels de bâtiments, dont certains sont clairement datés d’époque gallo-romaine par le mobilier ramassé au sol (Saint‐Paulien Les Ribes, Fig. 1). Quelques éléments de plan de la ville de Ruessium ont également été recueillis au nord du village actuel de Saint‐Paulien. La voie dite Bolène (traversant l’agglomération) était très nettement visible durant une longue période de l’année (printemps, été), ainsi que deux tronçons de la voie se dirigeant vers l’est en direction d’Augustonemetum (Clermont‐Ferrand).
La ville romaine du Puy‐en‐ Velay ne peut être explorée de la même manière que Saint‐Paulien, en raison de l’imposant urbanisme médiéval, moderne et actuel qui la recouvre. Les caves sont toutefois susceptibles de livrer des éléments, comme c’est le cas dans la plupart des villes dont l’urbanisme est ininterrompu entre l’époque romaine et actuelle (Clermont‐Ferrand, Tours…). Une coupe, présentant un mur antique ainsi que le remplissage de la terrasse monumentale gallo‐romain, a été relevée à l’évêché et apporte de nouvelles données sur l’évolution de ce quartier pour l’Antiquité et le Haut‐Moyen‐Âge. Un niveau de retaille d’arkose est mis en évidence, à une altitude plus basse que le niveau d’arasement supérieur du mur de soutènement de la terrasse monumentale du IIe siècle. Il semblerait qu’une partie de la terrasse se soit effondrée, ou ait été détruite lors de la construction d’un édifice ou peu avant.

Le Puy‐en‐Velay eveche releve de coupe et interpretation

Figure 2 : Le Puy‐en‐Velay, Évêché, relevé de coupe et interprétation

En croisant cette information avec les données anciennes (Aymard 1857), ce remaniement doit avoir lieu à la fin de l’antiquité, période à laquelle on retaille des blocs antiques pour fonder de nouveaux bâtiments. A ce même moment, on double le mur de terrasse endommagé, et l’on obtient la structure décrite par A. Aymard place du For. Une datation absolue manque à ce raisonnement. Il reste donc une hypothèse de travail, à confirmer. Un sondage dans une cave rue Meymard avait pour but de retrouver un niveau antique dont l’altitude était supposée en dessous du niveau actuel du sol de la cave (d’après les altitudes enregistrées place du Clauzel et le pendage supposé des marnes). Le résultat est négatif, mais les données sur le substrat local seront utilisées pour faire avancer un projet de coupe paléotopographique du Mont‐Anis, à l’époque gallo‐romaine. Ce dossier pourra avancer avec la précieuse collaboration des médiévistes et des géologues.

Un volet d’études paléoenvironnementales a été mis en place et a pour objectif de tenter de préciser la date du transfert de chef‐lieu de cité, par le biais d’études palynologiques. La question « dans quel contexte se fait le transfert de chef‐lieu » se transforme en « le transfert de chef‐lieu a‐t‐il un impact sur la végétation, et par ce biais, peut‐on préciser la datation ». Les résultats d’une carotte effectuée dans la tourbière Le lac à Saint‐Paulien seront présentés en 2008 (étude en cours).
Références :

FERDIERE 2004 : Capitales éphémères, des capitales de cité perdent leur statut dans l’antiquité tardive. Actes du colloque organisé par le laboratoire Archéologie et territoires (6‐8 mars 2003), 25ème supplément à la RACF, Tours 2004.

ACTIVITES PROGRAMMEES POUR 2008 :

Recherches sur toute la zone d’étude : Prospection aérienne sur Saint‐Paulien, Le Puy et l’espace compris entre les deux villes.

Le Puy‐en‐Velay et ses environs :

Visites de caves et relevés architecturaux, en collaboration avec les médiévistes et géologues (recherche de structures antiques et de réemplois).
Collecte de données sur le sous‐sol, pour obtenir une coupe de la colline d’Anis.
Prospection pédestre sur la commune d’Espaly‐Saint‐Marcel
Dessin de blocs architecturaux antiques du Puy‐en‐Velay en priorité, dans la continuité du travail commencé (Musée Crozatier et remplois dans la ville haute). Cela se fera avec la précieuse collaboration de D. Tardy, spécialiste du lapidaire antique de la province d’Aquitaine. Saint‐Paulien sera une seconde étape.
Analyses chimiques de mortiers de chaux antiques (Laboratoire vellave sur l’élaboration et l’étude des matériaux).

Saint‐Paulien et ses environs :

Paléoenvironnement : étude de la carotte prélevée dans la tourbière Le Lac à Saint‐Paulien et recherche d’une zone intéressante aux environs du Puy (étude B. Prat, Géolab, Université B. Pascal, Clermont‐Fd). Etude du mobilier de la villa de Civeyrac, dans les environs proches de Saint‐ Paulien (collection privée)
Prospection géophysique au nord du village, sous réserve d’une autorisation spéciale, de l’accord des propriétaires et de l’adéquation du calendrier d’intervention de l’entreprise avec le rythme des cultures.

Share Button

À propos de Elise Nectoux

Doctorante en archéologie gallo‐romaine sous la direction de F. Trément, Université B. Pascal de Clermont‐Ferrand II : « Les capitales vellaves, topographie urbaine, territoires et paysages (fin de l’âge du Fer – début du Moyen‐âge) ».
Ce contenu a été publié dans Gallo-romain, avec comme mot(s)-clef(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.