Le Mont-Mallorum

romain lauransonPar Romain LAURANSON

Avertissement :  Cette notice a été intégrée au rapport annuel 2006 du PCR « Sites fortifiés et occupations de hauteur en Auvergne de l’âge du bronze final à la fin des âges du fer », coordonné par P. Pion.

 

Bien que très peu connu et d’importance a priori relative, le site de hauteur du Mont Malorum s’inscrit vraisemblablement dans le phénomène de perchement de l’habitat de la fin de l’époque laténienne. La première apparition du site dans la bibliographie remonte à la fin du 19ème siècle, quand l’Abbé Theillère y mentionne la présence d’un important talus, d’emblée considéré comme un ouvrage celtique, ainsi que diverses trouvailles de mobilier : fer de lance, divers ferrements, et monnaies, l’ensemble ne renvoyant alors pas franchement à l’époque laténienne (Theillère 1882, p.163-164). Signalons cependant que le talus avait déjà été nettement relevé lors de la réalisation du cadastre  napoléonien, sous la frome d’un tracé tireté inclus dans une parcelle. (plan cadastral de la commune de Bas-en-Basset, feuille T, 1824, ADHL) A. Boudon-Lashermes a évoqué des fouilles, qui n’ont apparemment pas laissé plus de traces que la mention d’une « grosse cargaison » d’amphores et de poteries celtiques (Boudon-Lashermes, 1989, p.2). Plus récemment, des prospections effectuées par L. Simonnet et Y. Theillère ont livré du mobilier, en quantité restant plutôt modeste (Theillère 1991, p .37). Quelques sondages ont été effectués par L. Simonnet mais se sont révélés négatifs.

Le site occupe une position nettement dominante par rapport à la plaine de Bas-en-Basset, creux ouvert dans la Vallée de la Loire aux confins nord-est du département altiligérien, et du même coup du territoire de l’antique peuple des Vellaves. Sur le plan géomorphologique, ce bassin sédimentaire résulte de mouvements tectonique tertiaire qui ont affecté le plateau cristallin vellave et engendré ici l’effondrement d’un demi-graben, ainsi délimité à l’ouest par une ligne d’escarpement de faille de forme courbe et de direction globale sud-sud-ouest – nord-nord-ouest. C’est sur le coteau qui marque la transition entre le plateau de Craponne à l’ouest et la plaine à l’est qu’est situé le Mont-Malorum, qui se présente comme un éperon montagneux s’achevant en butte relativement marquée, et que délimitent des (les) ravins très entaillés (des ruisseaux de Saint-Julien et de Crizailloux).

Le caractère singulier de ce promontoire par rapport aux sommets voisins s’exprime par son altitude, de 784 m contre en moyenne 730 pour les autres, la pente des coteaux qui le délimitent (comprise en moyenne entre 25 et 35%), son avancée sur la plaine et donc sa proximité à la Loire (à moins de 2 km). La surface sommitale est également supérieure mais reste relativement restreinte et n’est pas définie par une franche rupture de pente. Entièrement boisé depuis la fin de son exploitation agricole à la fin du 19ème siècle, le couvert forestier des flancs sud et est ont subi d’importants dégâts lors de la tempête de 1999.

Le talus occupe une position particulière, proche du sommet de la courte pente qui définit la butte à l’ouest. La structure de l’ouvrage est difficile à déterminer (amas de pierre ?) ; sur le terrain comme sur clichés aériens, il est clairement visible sur une longueur d’environ 80 m, où il suit un tracé à peine courbé depuis le chemin actuel au nord, jusqu’au sud où il se fond insensiblement dans le relief. Sa hauteur par rapport au terrain intérieur est en moyenne voisine de 2 m, mais atteint par endroit les 3m. Vers l’extérieur, la pente d’environ 30 m de long est continue depuis le sommet du talus, si bien qu’il domine d’environ 15 m le terrain plat en contrebas.

L’étendue maximale du site, c’est-à-dire l’extension potentielle de l’occupation, est difficile à déterminer en l’absence – excepté à l’ouest – d’ouvrage défensif repéré ou de rupture topographique. On peut l’estimer comprise entre 4 et 6 ha.

Les rares éléments de mobilier ayant à notre connaissance été récoltés fournissent néanmoins des repères chronologiques et culturels pour l’occupation du site : céramique commune (lèvre d’écuelle à rebord rentrant), lèvre et anse d’amphore italique (Dressel 1-B), mais aussi une monnaie plus tardive (un as de la deuxième moitié du 2ème siècle) (Theillère 1991, p.37). Quelques prospections nous ont permis d’ajouter à cette maigre liste quelques tessons d’amphore italique dont une lèvre de Dressel 1-B, ainsi que de la céramique commune dont un pied annulaire (probablement une imitation de vase italique).

Des éléments toponymiques peuvent être ajoutés au dossier : une analyse basée sur un dépouillement des matrices du cadastre de 1841 de la commune de Bas a mis en évidence  un lieu-dit Briant proche du site, potentiellement formé sur la racine celtique briga-, associable aux sites de hauteur ou ouvrages défensifs ; par ailleurs une ceinture de six toponymes potentiellement formé sur le thème randa- lié à la notion de limite : Garande, Chamarond,  Randy, Duranton, Surands et Morand. (Quand au toponyme Malorum, toute développement étymologique (la justice) semble périlleux puisqu’il semble avoir fait l’objet d’une relatinisation tardive (les sources plus anciennes donnent plutôt Maloroux)).

Bien que les données sur ce site reste très lacunaires, plusieurs aspects extrinsèques démontrent l’intérêt d’approfondir son étude. D’une part, sa situation, proche de la supposée zone frontalière vellavo-ségusiave, est de surcroît indéniablement liée à la vallée de la Loire en tant qu’axe structurant le territoire (communication ?) ; elle fait écho à celle du site de Chamble-Essalois (42) qui domine lui aussi la Loire à moins de 20 km en aval.  D’autre part, la dialectique avec le site de plaine de Basset dont l’occupation bien attestée à la Tène finale (Savay-Guerraz 1978, p. 87-116 et Simonnet 1984, p. 76-103) paraît bien avoir été précédée de phases antérieures, de La Tène, voire du 1er Age du Fer (Theillère 1991, p.31-33).

Enfin, des prospections de S. Petiot ont permis de repérer dans les sous bois d’un coteau proche de grandes tranchées évoquant des travaux d’extraction minière, mais dont la datation reste évidemment délicate. Le contexte géologique (plateau cristallin – ligne de faille) induit la présence ponctuelle de ressources minérales métallifères, sous formes d’enclaves (goetite, gallène de plomb, zinc, etc..), alors qu’une formation de limonite riche en fer est intercalée dans les niveaux sédimentaires de la plaine, non loin du site.

Les problématiques de recherche doivent à notre sens rester réalistes et s’axer sur la chronologie de l’occupation, son extension et éventuellement sur ses formes (habitat, activités artisanales ?). Soulignons qu’il s’agit d’un contexte peu propice à la conservation comme à la détection des vestiges. Le couvert forestier interdit la collecte de mobilier en prospection de surface sur la majeure partie du site, tandis que sa dévastation en 1999 a engendré une accélération très forte de l’érosion du sommet et de la pente sud, et n’y laisse que quelques rares lambeaux de terrains ; ces facteurs aggravent la configuration taphonomique néfaste dont résulte la stérilité des sondages de L. Simonnet ; effectués sur la partie sommitale, le substrat rocheux y a été atteint à seulement 20-30 cm de profondeur. Seul l’espace attenant au talus du rempart, affecté par les colluvions bloqués par ce dernier, pourrait offrir la possibilité de fouilles sur des couches préservées.

Un réexamen de la totalité du mobilier mis au jour et accessible constituera un préalable à l’étude du site (fond Theillère et éventuellement fouilles de Boudon). La première opération de terrain à mettre en œuvre est la réalisation de levées topographiques, des profils pouvant permettre de mieux définir le rempart existant et éventuellement de repérer d’autres aménagements parmi les accidents du relief. La mise en ouvre de sondages sur des surfaces préservées ou des ensembles clos (puits ?), est envisageable, ou encore de façon complémentaire des prospections magnétiques ciblées sur  la détection de restes d’activité artisanale.

Bibliographie

Boudon-Lashermes A., Le Vieux Puy, Podium Sanctae Mariae, réédition pour l’association des Amis d’Albert Boudon-Lashermes, 1989.
SAVAY-GUERRAZ H., Les découvertes archéologiques du Basset, dans C.E.F. Archéologie, 5, 1978, p. 85-116.
SIMONNET L., Le peuplement dans l’Antiquité en Velay, n° spécial des Cahiers Haute-Loire, 1984, 296 p., 33 pl.
THEILLIERE J.-M., Les châteaux du Velay et autres questions d’histoire locale, vol. V, Tome 2, 1882.
THEILLIERE Y., Etat des découvertes archéologiques faites sur la commune de Bas-en-Basset (Haute-Loire), dans Cahiers Haute-Loire, 1991, p. 9-64.
Plan cadastral de la commune de Bas-en-Basset, feuille T2, 1824, disponible aux Archives Départementales de la Haute-Loire.

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