Un souterrain-refuge des XIVe-XVe siècles à Alleyrac

jean-louisvoruzpar Jean‐Louis Voruz

Docteur (Habilité à Diriger des Recherches) en archéologie préhistorique, entre autre spécialiste de la fouille en grotte.
j’avais tout, et je n’ai plus rien, comment on l’appelle déjà ?

 

Environ 30 km au sud‐est du Puy, à l’altitude de 1050 m, la commune d’Alleyrac, qui a effectué d’importants travaux d’assainissement en 2006, a arrêté son chantier en raison de la découverte d’une cavité, creusée dans la chisse et le basalte, entre un mètre et trois mètres de profondeur sous la route. Un grand nombre de souterrains sont connus en Velay, dont certains ont été fouillés il y a une vingtaine d’années. La mise au jour de vestiges mobiliers en surface du souterrain a motivé la mise en place d’une opération de sauvetage, engagée pendant tout le mois d’avril 2007.

Le secteur A (Fig. 1) ne renferme pas de couche d’occupation mais plutôt un éboulement, dans une cavité inachevée. A l’extrémité est de la salle B, un gros bloc de basalte obstrue l’accès par le plafond. Un foyer en place comporte une pierre au centre, une couche de cendre gris‐blanc, une couche de charbon compacte, elle‐même recouverte par des petits blocs de 5 à 10 cm de diamètre.

plan sous-terrain Alleyrac

Figure 1. Alleyrac, le Choumazel, plan d’ensemble des souterrains. D’après le relevé topographique de Mesdemoiselles Sylvaine Couteau et Juliette Bois‐Gerets (INRAP de Lyon‐Bron), complétés par de multiples observations faites au cours de la fouille, liées aux mètres carres relevés. Il reste à fouiller la zone F, les quatre mètres carrés extérieurs et la fin de la salle F.  

Les parois de cette salle, très régulières, comportent de petites cavités se faisant face, laissant entre chacune d’elle une distance de 3,50 m. Le couloir C était complètement fermé, d’abord par un blocage, puis par un escalier et une sorte de muret. La couche d’occupation qui tapisse la zone D, épaisse de 10 cm, est plus riche en mobilier que les secteurs B et C, et comporte un foyer à côté duquel prenaient place de nombreux déchets de faune. Les parois comportent quelques aménagements, dont un placard creusé dans la paroi sud‐est, probablement fermé par une porte puisque des trous de charnière ont été relevés. Une banquette de 0,50 m de hauteur est aménagée dans le rocher. Cette partie du souterrain avait peut‐être pour vocation la stabulation d’animaux et le stockage de denrées (présence de céréales de seigle carbonisées).

Figure 2 - Sous-terrain AlleyracFigure 2 : Alleyrac, le Choumazel. vue de la porte nord de la salle E, depuis un sondage « delta » fait à l’extérieur à la pelle mécanique, appartenant a Roland C., agriculteur au bourg d’Alleyrac. on distingue bien les trous pratiqués dans le rocher et assurant la bonne fermeture de la porte, et à droite, la moitié est du comblement de la zone F, qui reste à fouiller. Échelle de 50 cm, fil représentant le carroyage. Photographie Juliette Bois‐Gerets.  

Alors que l’ouest des salles B et D fait apparaître une hauteur de plafond de plus de deux mètres, le secteur E, de 150 cm, était entièrement comblé par la couche d’occupation, par deux assises de blocs et par une couche de terre fine. Une porte comporte deux systèmes de fermeture, marqués par des creusements dans les élévations (Fig. 2). Le sondage delta a permis, grâce à la pelle mécanique, la mise en évidence d’une falaise d’axe nord‐sud. Deux niches F et G s’ouvrent dans la falaise, seule la partie G a été en partie fouillée et quatre trous de poteaux taillés dans la pouzzolane ont été relevés sur la paroi.

Quatre mètres carrés ont été fouillés au pied de la falaise, avec une puissance stratigraphique de 130 cm, mais le fond n’a pas été atteint (s’agit-il d’un puits ?…). Ils sont très riches en matériel et en documentation archéologique. La cavité G est formée de trois salles au minimum, disposées sur plusieurs niveaux.

Le matériel archéologique abondant n’a pas encore été étudié, mais a déjà été lavé et marqué, et comprend, outre des charbons et des céréales carbonisées, quelques rares traces de bois esclouffis, de la lignite, des noyaux de pêche, des fragments en verre, vingt objets métalliques, cinq fusaïoles en pierre, trente‐cinq pièces lithiques en basalte (lampes, mollettes, meules, quatre fragments de jeux : un pendu et un charret, ou jeu du moulin, ainsi que les pions noirs ou blancs), de la faune, et de la céramique (les tessons occupent quatre tables de deux mètres carrés chacune). Le pendu et le charret sont des jeux courants au XIVe siècle, souvent pratiqués par des maçons. De manière générale, ces éléments sont datables des XIVe – XVIe siècles, mais nous recherchons actuellement une personne qui pourrait en dire plus…

L’essentiel de la documentation provient des salles BCDE, correspondant en fait à une « poubelle »… Les quatre entrées de ces souterrains‐refuges, peut‐être, ne sont pas synchrones. Les foyers, les traces de travail au plafond et dans les parois, ainsi que les stratigraphies, doivent aussi être étudiées de près. Le comblement du souterrain pourrait être lié à l’apparition d’une maladie (peste ou choléra) obligeant les gens à reconstruire différemment. Le passage du chemin reliant Mailhac et Alleyrac disposé juste au‐dessus des souterrains irait également dans ce sens. Ce chantier qui a mobilisé durant plus d’un mois une équipe d’une dizaine de personnes, n’a fait l’objet d’aucune prestation financière …

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À propos de Jean-Louis VORUZ

Archéologue hors statut. Docteur en préhistoire, habilité à la direction de recherche. Responsable de l’étude de la grotte du Gardon, Ambérieu-en-Bugey (Ain).
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